ALGÉRIE : LE STATU QUO INTENABLE

Humeur n° -
Lundi 07 Février 2011 - Akram Belkaïd
Après les Tunisiens et les Égyptiens, les Algériens vont vouloir prendre leur destin en main. Mais une épreuve de force avec le pouvoir risquerait de se traduire par un bain de sang. Les dirigeants doivent comprendre qu’il est urgent d’organiser pacifiquement la transition.

Le monde arabe connaît enfin son moment berlinois. Il en faudra d’autres pour qu’il arrache tous ses droits mais, pour reprendre une expression en vogue, c’est d’ores et déjà le mur de la peur qui vient de s’effondrer. Certes, on dira que rien n’est joué, que la révolution tunisienne est fragile, que l’Egypte peut basculer dans le chaos : qu’importe ! Voici venu le temps tant attendu de la liberté. Comment croire que l’Algérie peut rester imperméable à cette gigantesque espérance ?

Mais que veut-on pour l’Algérie ? Veut-on 500.000 morts et plusieurs dizaines de milliards de dollars de destruction ? Veut-on, qu’après une période de latence, la violence reprenne ses droits et avec elle l’anarchie, le désespoir de la population et une nouvelle vague d’exils qui achèvera de vider le pays de ses compétences ?

Il y a un an, après le fameux match de football entre l’Algérie et l’Egypte à Khartoum, j’avais écris, à propos de l’incroyable mobilisation des supporters algériens, "il est urgent que nos dirigeants se rendent compte que la jeunesse algérienne n’en peut plus d’attendre des jours meilleurs”. Aujourd’hui, il ne s’agit plus uniquement de la jeunesse mais de tous les Algériens. Quoiqu’en disent nos décideurs et autres responsables.

Une évolution inéluctable

La contagion est là. L’attente aussi. Demain, dans quelques semaines ou dans quelques mois, les Algériens vont eux aussi tenter de prendre leur destin en main. C’est une évolution inéluctable qu’il serait dangereux, et criminel, d’ignorer et, plus encore, de nier. Du coup, toute la question est de savoir quel type de révolution il faut souhaiter pour le pays car plusieurs scénarios sont possibles mais tous ne sont pas souhaitables.

Il y a bien sûr la révolution totale, celle où le peuple engage l’épreuve de force avec le système. C’est peut-être l’option la plus attendue, la plus brutale et la plus romantique. Mais c’est une voie où le vide du lendemain ouvre le champ à toutes les dérives. Faire table rase du passé est jouissif mais ce n’est pas ainsi que l’on construit une Nation. Les Algériens ne peuvent pas avoir la mémoire courte et doivent se rappeler que la violence s’accompagne de toutes les manipulations possibles et qu’elle prépare toujours la victoire de la réaction.

L’impasse de la violence

Nous savons tous que la crise politique actuelle s’aggravera si elle se traduit par de nouvelles violences. Pour autant, on a l’impression que c’est vers cela que l’Algérie se dirige, un peu à l’image de ces westerns où l’on devine, dès le début, que le duel sanglant est inéluctable. Toute la question est donc de savoir si nos dirigeants sont prêts à accepter l’idée d’un changement de système et à préparer, de manière préventive – et intelligente - leur sortie.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Ne louvoyons pas : c’est d’un changement de régime qu’il est question et de l’émergence d’une nouvelle république algérienne, respectueuse des droits des personnes humaines et des règles d’alternance politique. C’est d’un pays où la liberté d’expression serait garantie dans tous les medias dont il faut rêver à l’heure où, en Tunisie et demain en Egypte, on déboulonne statues et idoles.

Cela implique que nos dirigeants, nos chers décideurs, tous les maîtres de cette pyramide à plusieurs têtes qu’est le pouvoir algérien, comprennent que le statu quo est intenable. Il faut qu’ils acceptent qu’il est temps pour eux de passer la main. Ils peuvent s’entêter mais, pour eux, ce serait courir à leur propre perte (et à celle du pays). A l’inverse, ils peuvent aussi organiser ce passage de relais de la manière la plus pacifique qui soit. Ainsi, l’Algérie et les Algériens, longtemps connus dans le monde pour leur propension à régler les différends de manière violente, entreraient dans l’histoire.

(Article publié sur le site http://www.myeurop.info)

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