#Covid-19 | Au Liban, « il est temps d’en finir aussi avec l’informalité »

Humeur n°235 -
Dimanche 19 Avril 2020 - Charles ABDALLAH

#Covid-19 | Au Liban, « il est temps d’en finir
aussi avec l’informalité »

 

par Charles ABDALLAH

Économiste, « Économie et société dans le monde arabe »

Université Saint-Joseph (Beyrouth, Liban)

 

 

Le Liban a réussi de manière honorable à contenir la propagation de ce nouveau fléau de la mondialisation, le « Covid-19 », malgré des moyens de dépistage limités. Nous nous sommes souvenus des hôpitaux publics, qui ont été restaurés à la hâte après des années de négligence.

Les mesures de confinement n’ont pas eu de peine à être appliquées car l’écrasante majorité de la population vit encore à l’heure de dictons tels que « la santé avant toute chose », ce qui reflète bien le fait qu’elle vivait encore à la campagne, où la force physique conditionne l’existence, il y a une ou deux générations seulement. 


Mais ce dicton reflète tout autant la précarité de la protection sociale : près de 50 % de la population libanaise, travailleurs informels, journaliers, boutiquiers et artisans, ne bénéficie d’aucune couverture santé, ce qui fait le grand bonheur des patrons de clientèle qui ont le pouvoir de « recommander » ceux qui le veulent bien, souvent en désespoir de cause, auprès d’institutions de santé publique en échange de leur allégeance.

 

Le calme des campagnes s’est abattu sur des villes démesurées. Beyrouth a redécouvert le chant des oiseaux et le ciel bleu de l’époque, pas si lointaine, où elle était une ville-jardin contemplant la baie de Saint Georges, son protecteur, et les montagnes du Liban. Mais la faim se fait sentir dans les villes secondaires et il a fallu envoyer l’armée fermer certains souks qui avaient subitement rouvert.

Maintenant que la transition démographique s’achève, que les campagnes ont davantage le potentiel d’occuper leurs populations, il est temps de développer le monde rural. La sortie de la ville doit être organisée. Les filières agricoles doivent être valorisées ; des pôles technologiques au service, d’abord, du développement rural sous toutes ses composantes doivent y être développés ; la formalisation de l’activité rurale doit être impérativement engagée afin de permettre l’inclusion des populations rurales dans les systèmes de protection sociale.

Mais il est temps d’en finir aussi avec l’informalité en milieu urbain et de récompenser les entreprises qui ont dépensé pour le respect des lois sur le travail et investi dans leurs salariés en éliminant la concurrence déloyale dont elles sont l’objet de la part du monde informel.

Tout cela suppose aménagement du territoire, recensement et statistiques, maîtrise des frontières contre contrebande et trafics humains, maîtrise du marché du travail, maîtrise des politiques commerciales. Autant de thèmes honnis par les hommes politiques qui se sont succédé depuis la fin de la période des guerres du Liban, en 1990, et qui ont mené le pays à la catastrophe économique dans laquelle il se débat actuellement.



Charles ABDALLAH
17 avril 2020

 

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