#Covid-19 | La sortie de crise et l’avenir de l’Europe sont étroitement liés à ceux de l'Afrique

Humeur n°234 -
Dimanche 19 Avril 2020 - Stefano MANSERVISI

#Covid-19 | La sortie de crise et l’avenir de l’Europe
sont étroitement liés à ceux de l'Afrique


par Stefano MANSERVISI

Distinguished Fellow, Center for Global Development
and Overseas Development Institute

Member of the Board, UN Tech Bank



La crise engendrée par le Coronavirus fait l'objet de beaucoup d'analyses et beaucoup d'actions sont en cours pour l'affronter. En premier lieu, bien sûr, pour combattre l'épidémie, sauver les vies des personnes, s'équiper pour prévenir, soigner, à terme disposer d'un vaccin. En deuxième lieu, pour affronter les conséquences dramatiques sur l'économie et l'emploi. Jamais l'économie mondiale n’a vécu une pareille interruption.

Cette situation met en lumière le niveau d'intégration des filières atteint à l'échelle globale – on peut se représenter une carte presque physique des interdépendances –, ainsi que l'inexistence d'un système de gouvernance pour affronter un choc qui les désintègre, ou du moins les fragmente sérieusement. Ce phénomène, immédiatement observable dans le secteur de la santé, concerne en réalité toute l'activité économique.

L'Afrique se trouve exposée à une situation extrêmement difficile, qui risque sérieusement de lui faire perdre les progrès réalisés et de faire surgir des foyers de tensions graves, tant à l'intérieur des pays que entr'eux.

En Afrique, l’impact économique
précède la vague de la pandémie

Sa situation se présente de manière différente par rapport à celle de l'Europe. L'épidémie a frappé l'Europe et provoque des milliers de morts. Pour l'affronter, les dirigeants des pays européens ont adopté des mesures qui, entre autres, comportent une très grande décélération de l'activité économique. D'énormes ressources publiques doivent maintenant être injectées pour maintenir à flot emploi et entreprises.

L'Afrique, en revanche, est déjà confrontée à un impact économique important, avant même qu'une grande vague de contagions et d'urgences sanitaires ne se déclare. Non seulement les pays africains doivent s'équiper et dépenser pour la santé publique afin d’affronter la pandémie et la contenir, mais surtout, ils sont frappés par le ralentissement du commerce international (chute de la demande et des prix des matières premières), par la chute verticale des investissements directs et par une diminution des transferts des migrants.

S'ajoute à cela une perte de recettes fiscales et, pour beaucoup, un endettement public à la limite de la soutenabilité. Enfin, la perspective que les pays riches diminuent fortement les budgets d'aide au développement pour les rediriger en interne, complète ce tableau inquiétant.

Un partenariat fort Europe-Afrique

L'Europe a un rôle fondamental à jouer. La Présidente Ursula von der Leyen et toute la Commission ont fait de la relation avec l'Afrique une priorité absolue. Une stratégie pour construire ensemble avec l'Afrique un partenariat fort pour affronter de conserve les défis de la croissance soutenable, de l'emploi, du changement climatique, de la révolution numérique, a été lancée.

De son côté, l'Union Africaine a ouvert un chantier historique, celui de créer une Zone de Libre Échange Continentale (ZLECA) : à terme, un marché intérieur de 2 milliards de personnes, fondamental pour accompagner le standing politique du continent avec le poids économique propre qui lui fait encore défaut.

La crise économique provoquée par la pandémie conduirait-elle à reléguer ce partenariat stratégique au deuxième plan ? Ce serait une erreur stratégique énorme de la part de l'Europe. 

Sur le plan de l'aide, le signal est encourageant car dans le format Team Europe (Commission, États membres, BEI, BERD) un montant de 20 milliards d’euros a été réorienté pour soutenir les pays en développement. Si les Européens seront unis au FMI et à la BM, la contribution européenne au moratoire sur la dette et à l'octroi de financements plus que concessionnels, sera fondamentale.

Construire des chaînes de valeur euro-africaines

Comme chez nous, la priorité est au soutien aux entreprises et à l'emploi. Le secteur informel, très important, ne peut pas être négligé car il joue un rôle fondamental. Mais les investissements, notamment en infrastructures, ne doivent pas être abandonnés. Bref, le défi est immense. 

L'Europe doit réaliser que sa sortie de crise et son avenir sont étroitement liés à ceux de l'Afrique. Dans les grands engagements financiers de l’Europe, il faut qu'il y ait un volet dédié aux investissements en Afrique. Le Pacte de Stabilité a été suspendu pour les dépenses internes, il faut aussi exclure de sa comptabilité l'aide et le soutien à l'Afrique. La dette bilatérale doit être gelée et, à terme, annulée.

Mais il y a surtout de la stratégie de long terme à définir ensemble entre l'Europe et l'Afrique. Quoi qu'il arrive, les chaînes de valeur (supply chaines) globales devront être revues et raccourcies, une gouvernance crédible sera à établir. Le marché intérieur européen et le marché intérieur panafricain en construction offrent la possibilité de construire ensemble des chaînes euro-africaines de production et de valeur.

Pour cela, il faut penser et faire travailler ensemble entreprises, administrations, villes, sociétés civiles, intellectuels… Il faut construire une pensée euro-africaine forte. Il faut un endroit, un espace qui facilite ce travail, respecte son indépendance, produise des propositions d'action concrètes. Une Fondation Afrique-Europe, créée et gérée ensemble par les Africains et les Européens constituerait le moteur pour impulser tout cela. 

L'idée circule, le modèle d'une Verticale eurafricaine est séduisant. Il est maintenant temps de mettre cette idée en chantier. C’est important et maintenant, c’est aussi urgent !

 

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