Entretien avec Elyes Fakhfakh, ministre du Tourisme tunisien

Humeur n° -
Vendredi 13 Janvier 2012 - Hichem Ben Yaïche | African Business | Février - Mars 2012
Elyes Fakhfakh, ministre du Tourisme tunisien
Le tourisme tunisien, qui fait vivre un million deux cent mille personnes, est un secteur clé du pays (12 % du PIB). Le contexte social et politique instable pèse lourdement sur la destination Tunisie. Paradoxalement, un pays sur la voie de la démocratisation et en quête de ses marques se trouve ainsi pénalisé. Elyes Fakhfakh, nouveau ministre du Tourisme, a livré ses premières analyses à un petit groupe de médias, dont African Business. Entretien.


Vous avez effectué votre parcours dans l’univers de l’industrie, de quelle manière allez-vous aborder le secteur du tourisme ?

J’ai pris mes fonctions depuis quelques jours, mais sachez que, dans le cadre du programme électoral du parti Ettakatol [une des composantes de la troïka dont est issu le gouvernement de transition au pouvoir en Tunisie], j’ai travaillé sur le dossier tourisme. À ce titre, j’ai étudié tous les aspects économiques du secteur et diagnostiqué les grandes actions à mener. Par ailleurs, le groupe que j’ai dirigé avait une activité directement liée au tourisme, avec trois hôtels.

Qu’est-ce qui motive votre premier déplacement dans le Sud tunisien ?

Tout en venant assister à la clôture du Festival des oasis de Tozeur, ce déplacement entre dans le cadre d’une prise de connaissance du terrain et des acteurs qui l’animent. Avec les présidents des fédérations des hôteliers et des agences de voyages tunisiennes, ainsi qu’avec les responsables du ministère et de l’Office national tunisien du tourisme (ONTT), j’ai pu examiner ses multiples dimensions. Les professionnels du secteur de cette région ont été particulièrement touchés par la crise. Nous savons que les difficultés que rencontre le tourisme ne sont pas uniquement dues aux conséquences de la révolution du 14-Janvier.

Vous disposez de peu de temps, puisqu’il s’agit d’un gouvernement de transition. Avez-vous établi des priorités afin de mettre en mouvement le secteur ?

Le secteur est confronté à une série de problèmes structurels. Ils concernent les produits, la formation, l’endettement. Nous savons bien que notre pays bénéficie d’un très fort potentiel touristique hérité des années 1960. Nous n’avons pas su le moderniser. Par conséquent, nous devons mieux l’exploiter en sortant des sentiers battus. Par rapport à nos concurrents, nous avons pris du retard. Pour moi, il n’est jamais trop tard. Nous sommes bien conscients que la saison 2011-2012 sera un cap difficile à passer avant le retour à la confiance.

Les suites de la révolution et les troubles sociaux, en plus de la crise libyenne, ont beaucoup pesé dans les décisions des acteurs des marchés émetteurs (touropérateur, agences de voyages, etc.). Et les élections récentes dont Ennahdha, un parti islamiste, est sorti victorieux, n’ont fait que compliquer la situation. Comment pensez-vous vous y prendre pour rétablir la confiance ?

Nous devons rétablir la confiance à l’intérieur de nos frontières, combattre le chômage et les disparités régionales. La Tunisie doit se remettre au travail. À l’extérieur, nous devons faire valoir, en toute transparence, la Tunisie nouvelle qui reste moderne et ouverte à tous les visiteurs, comme elle l’a toujours été. Le gouvernement, limité dans le temps avant de nouvelles élections, s’attaque aux problèmes d’urgence afin d’engager rapidement, dans un consensus global, les grandes réformes nécessaires. Ce ne sont pas de simples discours. C’est un message fort !

Le ministère français des Affaires étrangères pénalise lourdement le tourisme du Sud tunisien en le déclarant « zone rouge », qui plus est formellement déconseillée pour des raisons sécuritaires. Quelle sera votre décision à ce sujet ?

Cette restriction était peut-être pertinente durant le 1er semestre 2011. Aujourd’hui, rien ne justifie un niveau d’alerte aussi alarmiste de la part du Quai d’Orsay ! Le pays a retrouvé un fonctionnement normal. Tout notre gouvernement va s’employer à le faire valoir auprès des marchés émetteurs, la France en tête où je prévois de faire, dès ce mois de janvier, un premier voyage.
Je précise, enfin, qu’Ennahdha est un parti conservateur qui n’a rien à voir avec les talibans ! À cet égard, la Tunisie a toujours été musulmane et les Tunisiens ont toujours revendiqué leur identité arabe. Le nouveau gouvernement apporte la démocratie au pays, rien ne changera dans ses institutions. Il n’y a pas à faire de tels amalgames.

Le transport aérien est l’un des facteurs clés du développement du tourisme. L’ouverture du ciel tunisien (Open-Sky) fait-il partie des urgences ?

Le gouvernement va sérieusement ouvrir ce dossier afin de le faire avancer, engager le processus et accélérer la mise en place. L’Open-Sky doit aller de pair avec les services en ligne de commerce et de réservation.
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