Faire confiance

Humeur n° -
Mardi 12 Mars 2013 - Agnès Levallois
Face aux bouleversements qu’ont connus ces sociétés, il convient de laisser du temps aux acteurs afin qu’ils définissent leur projet, trouvent un compromis et évitent l’impasse.

La réflexion sur les relations entre les deux rives de la Méditerranée est d’autant plus urgente que la situation dans les pays de la rive sud suscite, si ce n’est de fortes inquiétudes, tout au moins de légitimes interrogations. Il y a deux ans, le monde découvrait que les populations tunisienne, égyptienne, libyenne, yéménite ou syrienne étaient en mesure de se mobiliser contre les pouvoirs en place, de braver le mur de la peur et de sortir de ce qu’on appelait «l’exception arabe».

Aujourd’hui, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer le comportement des nouveaux régimes dirigés par des partis issus de la mouvance des Frères musulmans et parfois de celle des salafistes. Mais nous ne devons pas oublier que ces pouvoirs ont été élus, même à faible majorité, et que nous ne pouvons pas recommencer l’erreur commise en Algérie en 1991, à savoir remettre en question le résultat des urnes.

Le défi à relever de ces nouveaux régimes est celui de l’économie et du social, or ils n’ont pris pour le moment aucune décision. Les touristes se détournent de ces destinations tout comme les investisseurs. Dès lors, la situation de l’emploi s’aggrave, plus de 50% de chômage en Égypte en deux ans et de l’ordre de 40% chez les jeunes en Tunisie, ce qui risque d’entraîner une nouvelle vague de contestation. Il est vrai qu’il s’agit là d’une question structurelle et non conjoncturelle qui touche au modèle de développement. Or, les partis au pouvoir ne semblent pas avoir de plan précis pour répondre aux attentes de la population.

L’impatience avec laquelle nous regardons et commentons les transitions, qui seront forcément longues et heurtées, risque de nous empêcher de les voir telles qu’elles se déroulent réellement. L’histoire n’étant pas linéaire, il convient de laisser du temps aux acteurs afin qu’ils définissent leur projet tout comme l’Europe, elle-même en crise, a besoin de temps pour prendre en compte les bouleversements et apporter une réponse adaptée. La mobilisation des sociétés civiles est impressionnante face à la tentation de ceux qui entendent accaparer tous les pouvoirs. Au regard de cette situation, qui peut se révéler être un terrible face-à- face entre deux forces, seul un compromis historique peut permettre d’éviter l’impasse. Est-ce une utopie ? Peut-être mais faisons confiance aux sociétés qui ont découvert leur capacité à se réinventer.
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