Le Maghreb à la croisée des chemins du commerce électronique

Humeur n° -
Lundi 20 Juillet 2015 - Alain Ducass, expert of digital transformation in Africa

En consacrant au commerce électronique son rapport sur l’économie de l’information de mars 2015, la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement) montre que cette forme de commerce prend une importance croissante. Elle estime que le commerce électronique d’entreprise à entreprise (B2B) a dépassé les 15 000 milliards de dollars dans le monde en 2013, ce qui représente 8% du commerce entre entreprises et que le commerce électronique d’entreprise à consommateur (B2C) a dépassé les 1 200 milliards de dollars dans le monde en 2013 .

Dans son colloque du 3 juillet 2015 sur les enjeux du e-commerce l’industrie française du commerce électronique , la FEVAD a mis en évidence un troisième type de commerce électronique en plein essor dans le monde, à savoir le commerce électronique de particulier à particulier, qui ne se limite plus seulement au marché de l’occasion, mais qui est à l’origine d’un phénomène que l’on appelle « l’ubérisation » de la société, et que je préfère appeler « commerce collaboratif ».

Un marché de 170 millions d’acheteurs en ligne

En Afrique et au Moyen-Orient, le nombre d’acheteurs en ligne était de 93,6 millions en 2013, soit 7,1 % de la population, c’est-à-dire deux fois moins que la moyenne mondiale de 15,2 %.

Pour l’avenir, eMarketer estime que ce nombre passera à 170,6 millions en 2018, avec une croissance de 82 %, très supérieure à la moyenne mondiale de 50 %, du fait notamment de la croissance de la population, significativement plus forte en Afrique qu’ailleurs et de l’émergence d’une classe moyenne.

Ces chiffres dénotent à la fois un retard et des perspectives importantes de croissance, qui font qu’aujourd’hui, l’Afrique en général, et le Maghreb en particulier, sont à la croisée des chemins pour le commerce électronique.

L’IPEMED va éclairer la situation en publiant prochainement une étude qui montre les atouts et les handicaps du Maghreb et de l’Afrique en la matière, et dont voici quelques prémices. La Tunisie est le premier pays africain à avoir défini une stratégie cohérente en faveur du commerce électronique, mais ce type de commerce y est encore embryonnaire, à cause des freins résultant de la règlementation des changes, d’une logistique défaillante et de la faible taille du marché national. Le Maroc est plus avancé avec l’arrivée d’acteurs multinationaux comme Jumia venant concurrencer des acteurs marocains regroupés dans la FNEM et un commerce électronique orienté vers l’achat en ligne de produits importés, alors que le gouvernement cherche à promouvoir l’exportation des produits nationaux par le commerce électronique.

Consommateurs mais aussi acteurs

Le Sénégal et la Côte d’Ivoire sont naturellement moins avancés que les deux pays phares du Maghreb, mais ils disposent d’un atout important, à savoir l’union monétaire ouest-africaine, qui permet le développement des paiements nationaux et internationaux en ligne par carte bancaire et par téléphone mobile.

Il appartient désormais aux politiques, aux investisseurs et aux habitants de se positionner pour :
• exploiter le marché créé par l’engouement des classes moyennes maghrébines pour acheter en ligne des produits et services importés,
• structurer les filières de production amont, pour vendre en ligne à l’international des produits et des services made in Maghreb,
• trouver des solutions innovantes pour créer une logistique fiable permettant de collecter et livrer des produits partout au Maghreb,
• développer l’intégration régionale pour permettre les paiements en ligne transfrontières,
• profiter de la diaspora maghrébine dans le monde qu’à l’instar des Sénégalais, ils puissent facilement acheter en ligne des produits et services qui seront livrés à leur famille restée au pays,
• tirer parti des bonnes pratiques mondiales pour favoriser le commerce collaboratif, en invitant les habitants à être non seulement consommateurs mais aussi acteurs,
• mettre en place une régulation qui favorise le commerce électronique lorsqu’il est socialement et écologiquement bénéfique et qui le restreigne quand il consiste à importer de régions lointaines des produits et services qui sont disponibles localement.
• copier les modèles occidentaux et asiatiques ou inventer un commerce électronique respectueux des valeurs du Maghreb et des vrais besoins de ses habitants.

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