Le partenariat de Deauville dans la presse

Humeur n° -
Mardi 20 Septembre 2011 - Alexandra Besly
Le Partenariat de Deauville, initiative du G8 annoncée lors du sommet du 26 et 27 mai 2011, a été conforté lors de la réunion des ministres des finances à Marseille le 10 septembre 2011. Cette réponse politique et économique aux « évènements historiques » du Printemps Arabe s’étend désormais à deux autres pays, le Maroc et la Jordanie, tandis que la Libye prend part au processus en tant qu’observateur. Désormais riche de l’appui crucial de l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Koweït, le Qatar et la Turquie, le Partenariat compte désormais neuf institutions financières dont la BAD, le FMI, la BERD et la BEI.

La réunion de Marseille a permis de dégager plus de 38 milliards de dollars d’aide financière pour 2011-2013 en sus des 35 et 6 milliards de financements promis en Mai respectivement par le FMI et le Banque mondiale. Depuis, la BERD a étendu sa mission aux PSEM auxquels elle pourra prêter environ 2,5 milliards chaque année.

Si la presse française, à l’image des Echos ou de la Tribune, insiste sur le doublement de l’aide apportée à presque 80 milliards, Le Point regrette des contours encore vagues. L’hebdomadaire précise que ces projets dépendent des marges de manœuvre que les pays peuvent dégager ce qui semblerait exclure une participation allemande, résolue à réduire ses déficits. Le monde diplomatique relève que ces montants correspondent à des prêts prévus avant la révolution et déplore l’extension des activités de la BERD et non la création d’une banque de reconstruction et de développement spécifique aux PSEM : l’aide financière de cette pâle copie du plan Marshall est jugée insuffisante. Jeune Afrique regrette également que la plupart des financements annoncés soient des prêts et non des investissements directs privés, et craint une « rente démocratique » mal venue. Le figaro, quant à lui, voit principalement dans ce partenariat une occasion de réveiller la diplomatie française.

Rares sont les commentateurs anglo-saxons élogieux ou optimistes des nouveaux développements du « Deauville deal. » Bloomberg  souligne qu’aucun leader arabe n’a fait de déclarations à la presse au sortir de la réunion de Marseille, « pauvre en détails ». Si Forbes met en garde contre un partenariat assujettissant et lent à s’instaurer, il reconnaît une certaine autonomie accordée aux pays pour l’implémentation des réformes.

Le New York Times questionne les réelles motivations d’une telle aide, qui oscillent entre bienveillance, promotion d’un modèle occidental de gouvernance ou simple élan pragmatique pour aider à l’expansion des entreprises occidentales. Il cite l’ancien secrétaire général adjoint aux Nations-Unies, Mark Malloch Brown, qui ne trouve pas l’offre du Partenariat de Deauville adaptée au modèle économique dont ces pays ont besoin. A titre d’exemple, le journal rappelle que les dirigeants égyptiens ont refusé en juin un prêt FMI de 3 milliards de dollars qui aurait aggravé le déficit et surtout, qui allait de pair avec des conditions de prêts considérés drastiques, impopulaires et « mettant en péril leur souveraineté ». Le poids du passé pèse lourd pour ces nouveaux régimes qui hésitent à traiter avec les financeurs des dictateurs d’hier. De même, des groupes comme CEE BankWatch Network, Counter Balance et Network for Development s’inquiètent du tord que pourraient faire cette aide occidentale à la transition démocratique en prônant des modèles économiques « injustes ».

La presse dans les PSEM ne voit dans ces réunions que des discours restés à l’état de promesses, mettant en doute leur réelle concrétisation. Le quotidien algérien El-Watan considère les actions concrétisées encore trop rares et trop lentes à se mettre en place. Pis, les propositions « n’ont convaincu personne » selon l’hebdomadaire Jeune Afrique. Si Rachid Sfar reconnaît un signal fort principalement incarné par l’annulation partielle de la dette égyptienne, l’ancien ministre tunisien considère le partenariat comme du « cinéma », n’apportant « rien de précis et rien d’extraordinaire ». Il considère que la Tunisie n’a pas obtenu l’appui qu’elle méritait. Investir en Tunisie  rappelle le souhait du président de la BAD d’une accélération de l’aide internationale qui se fait attendre. On remarquera aussi que les montants sont valorisés différemment. Ainsi, il a été décidé 38 milliards de dollars supplémentaires, adjectif qu’El-Watan omet à la différence du quotidien marocain Le Matin qui insiste, à la manière de la presse française, sur le doublement des engagements pour un montant total de 80 milliards de dollars entre 2011 et 2013. Le Matin  relativise tout de même  ces montants au vu du fait de l’extension du partenariat.

Au Sud comme au Nord, la presse attend avec impatience la première évaluation du Partenariat qui aura lieu en 2012, sous la présidence américaine du G8.


Sources :

Les échos, « Les pays du G8 vont doubler leur aide au Maghreb », Richard Hiault, 12 septembre 2011
http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0201625037688-les-pays-du-g8-vont-doubler-leur-aide-au-maghreb-217689.php

Le Point, « Le G8 double son aide au ‘printemps arabe’ », AFP, 10 septembre 2011
http://www.lepoint.fr/economie/le-g8-double-son-aide-au-printemps-arabe-10-09-2011-1371853_28.php

Le Monde diplomatique, « Tunisie, Egypte : après les révolutions, les privatisations… », Akram Belkaïd, Octobre 2011
http://www.monde-diplomatique.fr/2011/10/BELKAID/21108

Le figaro, « Le printemps arabe réveille la diplomatie francaise », Alain Barluet, 11 octobre 2011
http://www.lefigaro.fr/international/2011/10/11/01003-20111011ARTFIG00804-le-printemps-arabe-reveille-la-diplomatie-francaise.php

Jeune Afrique, « Tunisie : l’Union européenne veut redorer son blason », Leila Slimani, 6 octobre 2011
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2647p018.xml0/france-usa-maroc-uetunisie-l-union-europeenne-veut-redorer-son-blason.html

Bloomberg, “’Arab Spring’ Aid Pledges Almost Double to $38 Billion, With Focus on Jobs”, Gregoy Viscusi, 11 septembre 2011
http://www.bloomberg.com/news/2011-09-10/-arab-spring-aid-pledges-almost-double-to-38-billion-with-focus-on-jobs.html

Bloomberg, “G8, Lenders mobilize $38 Billion for Arab Spring”, Gregory Viscusi, 10 septembre 2011
http://www.bloomberg.com/news/2011-09-10/-arab-spring-aid-pledges-almost-double-to-38-billion-with-focus-on-jobs.html

Forbes, « G8 pledges support for Arab Spring countries », Associated Press, Tarek El-Tablawy, 21 septembre
http://www.forbes.com/feeds/ap/2011/09/21/business-financial-impact-us-us-g8-arab-spring_8691851.html

New York Times, Western Finance Bodies Face Challenges in Funding Arab Spring Countries, Matthew Saltmarsh, 21 septembre
http://www.nytimes.com/2011/09/22/business/global/western-finance-bodies-face-challenges-in-funding-arab-spring-countries.html?_r=2&pagewanted=print

El Watan, « 38 milliards d’euros d’aide pour les pays arabes» 12 septembre 2011
http://www.lejournaldalgerie.com/index.php?option=com_content&view=article&id=2298:reunion-des-ministres-du-g8-a-marseille-38-milliards-de-dollars-daide-pour-les-pays-arabes&catid=35:international

Jeune Afrique, « Rachid Sfar : "La Tunisie n'a pas reçu l'appui qu'elle mérite" », Frida Dahmani, 6 octobre 2011
Rachid Sfar : "La Tunisie n'a pas reçu l'appui qu'elle mérite" | Jeuneafrique.com - le premier site d'information et d'actualité sur l'Afrique

Jeune Afrique, La rente démocratique, Fouad Laroui, 3 octobre 2011
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2645p107.xml2/jordanie-fmi-g8-dettela-rente-democratique.html

Investir en Tunisie, Tunisie : la BAD s’inquiète du retard de l’aide internationale, 30 septembre 2011
http://www.investir-en-tunisie.net/index.php?option=com_content&view=article&id=11558
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