Le référendum pour une nouvelle constitution au Maroc dans les médias ( juillet 2011)

Humeur n° -
Mardi 02 Août 2011 - Keith Nadim Carr, stagiaire à IPEMED
La réaction au référendum pour une nouvelle constitution marocaine a été diversement traitée dans les médias. La presse officielle marocaine, la presse française et américaine ont globalement salué les résultats, sans s’intéresser beaucoup aux modalités de vote ni au taux de participation. La presse en-ligne est souvent plus sceptique envers les chiffres et relaie les points de vue des opposants et du Mouvement du 20 Février, critiques envers les réformes jugées « insuffisantes », et dénonçant irrégularités et injustices pendant le vote. De même, les manifestations qui ont eu lieu dans le pays sont diversement relatées et interprétées.

Les réactions aux résultats

En France, les grands quotidiens nationaux portent un regard plutôt positif sur le référendum et ses résultats. Pour « Les Echos » les Marocains ont « accordé leur confiance au Roi Mohammed VI » reprenant les chiffres et les déclarations officiels du ministère de l’intérieur ainsi que les déclarations des officiels marocains et étrangers qui saluent l’arrivée de la démocratie dans le pays. Le Monde décrit les nombreuses manifestations organisés par les opposants avant le vote et rappelle que le Mouvement du 20 Février considère le résultat du référendum comme « illégal » du fait des irrégularités qui ont entaché le vote. L’article conclut sur le soutien des Etats Unis et de la France à l’égard du Maroc, citant notamment Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères qui a salué « une décision claire et historique ».

USA Today présente les réformes proposées comme une modèle pour les autres pays arabes. Le Globe and Mail (Canada) salue « l’orientation du Maroc vers la démocratie » et considère que le boycott de l’opposition était un « erreur tactique ». Selon lui, la prochaine étape pour l’opposition serait d’intégrer le parlement. Pour le Huffington Post (GB) en revanche, le fait que l’opposition ait boycotté le referendum devrait le rendre invalide. Pour Le Figaro la contestation s’était déjà « essoufflée » avant le référendum. Il constate que le Mouvement du 20 Février n’a pas su mobiliser les opposants du référendum. Mais, selon lui, les jeunes de l’opposition prendront leur distance par rapport à l’appel au boycott pour donner une chance aux réformes.

Dans une tribune publiée sur Politis.fr, Mehdi Lahlou dénonce « un référendum truqué » qui met en évidence une classe politique ignorante des besoins du peuple. Sur Médiapart.fr, Tewfik Hakem dénonce le « score soviétique » des résultats, ainsi qu’une constitution qui « ne réduit aucune des prérogatives du roi ». Il présente plusieurs réactions critiques dans la presse arabe, qui expriment l’insatisfaction de la population. Le traitement des chiffres

L’Opinion (Maroc) examine la redistribution des votes sur le territoire du Maroc et attribue le plus grand taux de participation aux populations des provinces du Sud. Il constate que les populations du Sahara ont voté massivement en faveur des réformes, expliquant cela par un « sentiment d’appartenance à la patrie », et par l’inclusion de la culture sahraoui dans la nouvelle constitution. L’auteur ajoute que ces réformes pourront bénéficier aux populations en améliorant la gouvernance dans le sud du pays. Akram Belkaid, dans le journal Tunisien Kapitalis, s’intéresse aux chiffres du référendum. Il y rappelle que les résultats ressemblent à ceux des années 1990 (plus de 90% pour). L’auteur compare ces chiffres aux résultats des élections tunisiennes sous Ben Ali, et ironise sur les pourcentages élevés qu’il qualifie de « marque de fabrique du monde arabe ».

CBC (Canada) compare le taux de participation de 73% aux 37% des élections parlementaires de 2007. L’agence Reuters relaie l’accusation formulée par l’opposition : à savoir que les chiffres ont été exagérés et que des irrégularités ont entaché le vote. En particulier, il n y a pas eu de contrôle d’identité et seuls 13 millions de marocains sur 20 étaient inscrits. L’agence note que la campagne dans les médias officiels « s’est appuyée sur un sentiment répandu de loyauté au Roi ». Le Wall Street Journal s’interroge sur la mise en œuvre des réformes qui dépendra de la liberté d’expression autorisée.

Pour The National (UAE) qui admet toutefois les critiques du Mouvement du 20 Février (notamment la campagne pour encourager un vote en faveur du référendum), il fallait néanmoins s’attendre à un vote favorable d’au moins 80%. L’auteur souligne que les autorités ont peut-être exploité la religion en « demandant aux Imams de souligner les vertus de la nouvelle constitution pendant le sermon du vendredi ». Pour lui, cependant, la constitution est globalement avantageuse pour le Maroc, les reformes proposées étant en avance sur les réformes qui sont intervenues dans les autres pays arabes. Le magazine SlateAfrique (France) donne la parole au Mouvement du 20 Février en signalant que la campagne qui a duré dix jours avant le vote, a été jugée trop courte par l’opposition. Celle-ci dénonce également l’« allégeance au roi » des partis politiques qui siègent au parlement. Une tribune libre du journaliste et écrivain marocain, Ali Amar, conclut que les chiffres officiels (98.5%) sont délégitimés par le taux de participation (73%), « stratosphérique » comparé aux 37% des élections législatives de 2007.

Manifestations lors du référendum

Les manifestations qui ont eu lieu dans le pays sont diversement relatées et interprétées. Pour le Nouvel Observateur, l’opposition a mobilisé 12,000 personnes à Tanger, 5,000 à Casablanca et 1,000 à Rabat. Il signale que le site d’actualités officiel marocain, Maghreb Arabe Presse, n’a pas mentionné le rassemblement de l’opposition à Casablanca, mais a « recensé 20,000 manifestants favorables au Roi ». Un autre article paru dans Le Nouvel Observateur présente un entretien avec Najib Chaouki, l’un des principaux activistes qui a appelé au boycott du référendum. Il souligne que ses craintes reposent sur le fait que « le roi et l’entourage royal ne respectent jamais la constitution de 1996 ». Au Fait (Maroc) reprend les points de vues des partisans du « oui ». L’article compte les partisans dans les manifestations comme globalement plus nombreux que les opposants. Dans un autre article, Au Fait relate la position de Human Rights Watch, qui a dénoncé les violences policières lors des manifestations des opposants aux réformes. Truthout (US) revient sur l’expérience du Mouvement du 20 Février et sur l’attaque dont ont été les victimes ses partisans lors des manifestations.

Sources

 Les Marocains disent « oui » aux réformes de Mohammed VI
 Maroc : Le printemps marocain vu du monde
 Victoire du "oui" au référendum constitutionnel au Maroc
 Morocco’s constitution could hold lessons in Arab world
 Morocco’s commendable move toward democracy
 The truth about the Moroccan referendum
 Maroc : l’opposition vers l’isolement
 Les réformes de Mohammed VI passent l’examen de la rue
 Maroc  : «  Un grand pas vers le passé  »
 Au Maroc, le triste jeu du « Oui, non, quoique »
 La nouvelle Constitution marocaine source, d’un consensus populaire Cas des provinces du Sud
 Le monde arabe et la vérité des chiffres
 Moroccans pass referendum to empower PM
 Protests set after Moroccan king wins referendum
 Morocco’s king and country
 Referendum backs king, but Morocco is still an exception
 Un référendum constitutionnel au service de Sa Majesté
 Une constitution imposée et taillée sur mesure
 Nouvelles manifestations pro et anti-réformes au Maroc
 "Ce référendum est illégal et illégitime"
 HRW dénonce des violences policières lors de manifestations
 À l’approche du référendum constitutionnel la surenchère s’amplifie dans la rue
 Royalists attack peaceful protesters in Morocco
 Thousands of Moroccans protest, unmoved by reforms
 Morocco : we want real democracy
 Morocco vote on King Mohammed’s reforms ‘corrupt’
Partagez cet article
Imprimer Envoyer par mail