LE SUD ET LA MESURE DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

Humeur n° -
Mardi 03 Novembre 2009 - Akram Belkaid, journaliste et conseiller IPEMED
Le niveau relativement élevé de la croissance économique des pays de la rive sud de la Méditerranée est assurément un argument pour convaincre l’Union européenne de réaliser enfin que cette région est un atout qu’elle doit cesser de négliger. Mais, pour autant, les pays du Sud ne peuvent ignorer que la seule croissance du Produit intérieur brut (pib) n’est pas une fin en soi.

Depuis quelque temps, cet indicateur est même mis en accusation. Des économistes de renom lui reprochent d’être incapable de mesurer la qualité de vie et d’imposer des images trompeuses sur les réalités économique et sociale. Le constat est sans appel : au cours des vingt-cinq dernières années, le pib mondial a doublé alors que les inégalités n’ont jamais été aussi importantes et que 60%des écosystèmes sont dégradés.

Inquiétude

Pour les pays du Sud de la Méditerranée, la référence à d’autres marqueurs interpelle. Ainsi, dans le dernier rapport sur l’indice de développement humain établi par le Programme des Nations unies pour le développement (pnud), les pays du Maghreb se classent à des rangs décevants pour ne pas dire inquiétants. Sur 182 pays recensés, l’Algérie est 104e, l’Égypte 123e, leMaroc 130e et la Tunisie 98e. Seule la Libye, pays dont la population est réduite et qui possède d’importantes réserves d’hydrocarbures, affiche un rang acceptable en se classant à la 55e place. Ce classement, peu glorieux, nuance donc le satisfecit enmatière de croissance économique et impose au Sud de la Méditerranée une réaction qui ne dépend pas uniquement du bon vouloir de l’Europe.

L’une des pistes serait de s’approprier les recommandations de la Commission présidée par l’économiste Joseph Stiglitz sur la mesure de la performance économique et du progrès social.

Une remise en cause douloureuse

Il s’agit en effet d’accepter l’idée que la mesure du bien-être de la population est aussi prioritaire que la focalisation habituelle sur la création de richesse et qu’elle doit, elle aussi, conditionner les politiques gouvernementales. La prise en compte de la répartition des revenus, de la qualité des relations sociales et du travail domestique et des loisirs, l’amélioration de lamesure des conditions de santé, d’éducation et d’activités personnelles des individus ainsi que lamesure fiable des conditions de vie et de l’insécurité économique et physique font partie des propositions formulées par le prix Nobel. Elles annoncent l’émergence possible d’un nouveau référentiel à l’aune duquel seront jugées les performances économiques de tous les pays qu’ils soient développés ou non.

Cela signifie que des éléments tels que la diminution des ressources naturelles ou la dégradation de l’environnement ne pourront plus être relativisées, pour ne pas dire minimisées, par un taux de croissance étincelant. Cela veut surtout dire que les pays qui s’empareront de ces indicateurs pour concevoir leurs politiques économiques seront à terme les gagnants. Pour le Sud de la Méditerranée, l’adoption de ce référentiel constituera une remise en cause certainement douloureuse mais en aucun cas facultative.

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