L’inconnue égyptienne

Humeur n° -
Mardi 01 Janvier 2013 - Agnès Levallois
Le gouvernement de transition tente de redoper le tourisme. Ici, le temple de Karnak.
Pour relancer la croissance, il faut impérativement que le calme revienne et respecter le calendrier politique. Malgré les aides obtenues, notamment des pays arabes, l’Égypte va-t-elle réussir à atteindre cet objectif?

La destitution du président Morsi et l’arrivée aux affaires du gouvernement de transition ont rassuré une partie des Égyptiens qui s’étaient mobilisés contre le mode de fonctionnement des Frères musulmans et leur incapacité à gérer les affaires de l’État. Mais les différentes mesures prises depuis, comme l’arrestation de tous les responsables de la confrérie, le gel de ses avoirs, l’interdiction de ses activités et la fermeture de son journal ne peuvent qu’inquiéter l’autre partie des Égyptiens qui considèrent que la négociation entre les deux composantes de la société est nécessaire pour un retour au calme et pour bâtir ensuite un avenir commun.

Actuellement, les autorités de transition mènent une lutte sans merci contre les Frères musulmans. Mais la seule répression ne peut être une solution. Il faut donc une transition démocratique en associant les Frères musulmans. En parallèle des questions politiques: groupe de travail sur la Constitution, calendrier électoral qui doit aboutir à des élections présidentielles d’ici mars 2014, des mesures d’urgence doivent être prises sur les plans économique et social tant la situation est grave. Le chômage ne cesse d’augmenter (il a dépassé les 13%) ainsi que l’inflation… Cela explique la mobilisation des autorités pour rassurer les investisseurs et les touristes. Le ministre du Tourisme, Hicham Zaazou, était présent au salon du tourisme parisien Top Resa (après s’est rendu en Grande Bretagne et en Allemagne et avant d’aller en Italie et aux Pays-Bas), afin de rassurer le secteur et d’inciter les Français à retrouver le chemin de l’Egypte[1]. Les Européens représentent 72% des touristes du pays, d’où l’importance de cette démarche pour un secteur qui emploie environ quatre millions de personnes et représente 11% du PIB. Ce secteur d’activité est aujourd’hui en troisième position après les remises de la diaspora et les revenus du Canal de Suez alors qu’il était la première ressource du pays avant la révolution.

Pour faire face aux défis auxquels elle est confrontée, l’Égypte s’est tournée vers les pays du Golfe, tout particulièrement l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Koweït, qui ont renfloué les caisses de l’État. Riyad a accordé cinq milliards de dollars après la destitution du président Morsi, Abou Dhabi trois milliards de dollars et le Koweït quatre milliards de dollars. Depuis le 25 janvier 2011, les aides arabes versées ont atteint 26 milliards de dollars. Pour Nasser Kamel, ministre adjoint des Affaires étrangères pour les affaires arabes (et ancien ambassadeur d’Égypte à Paris), le soutien des pays du Golfe ne se limite pas à ces aides: «Les dons et les prêts sont les dossiers qui ont été le plus médiatisés vu leur importance, mais au début du mois de juillet, une délégation émiratie, composée de 90 personnalités opérant dans les divers domaines économiques, est arrivée au Caire pour entreprendre des investissements dans tous les secteurs de l’économie égyptienne. Il en est de même pour l’Arabie saoudite. Tout porte à croire que la prochaine période connaîtra un essor, comme en témoignent d’ailleurs les indices de la Bourse égyptienne qui ont repris des couleurs.»

Suite aux événements qui se sont déroulés au cours de l’été, l’Europe a suspendu ses ventes d’équipements de sécurité et le Danemark son aide bilatérale. La difficulté qu’a Bruxelles à définir une politique claire vis-à-vis de la situation égyptienne ne devrait pas remettre en cause la relation privilégiée qui existe avec Le Caire. Cela n’a pas échappé à Riyad, considéré comme le meilleur allié des généraux égyptiens, qui a mis en garde les pays occidentaux, en août, contre l’arrêt de leur aide financière à l’Égypte. Cette déclaration visait l’Europe et les États-Unis mais également le FMI. Il y a un certain paradoxe à voir les Saoudiens, défendus par les élites libérales égyptiennes au nom de la lutte contre les Frères musulmans, accepter volontiers cette manne financière.

Enfin, la politique du gouvernement actuel, à savoir de lancer des grands travaux d’infrastructures, devrait permettre de relancer la croissance, surtout si le calendrier politique est respecté et que le calme revient, condition sine que non à la sortie de crise du pays.


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[1]. Pour cela l’Égypte a commandé un audit réalisé par Scutum Security First, un cabinet français, sur la sécurité des sites touristiques. Celui-ci a conclu que «tous les dispositifs sont en place pour la sécurité des touristes en Égypte».
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