Où sont les champions ?

Humeur n° -
Vendredi 05 Juin 2015 - Macarena Nuno, chef de projet à IPEMED

Ou sont les champions de la diaspora méditerranéenne ? Comment les encourager à s’impliquer activement dans la région ? Et pour quoi faire ? Voici quelques questions que les états du Sud de la Méditerranée se posent de plus en plus. L’Union européenne et les états membres devraient également s’investir dans cette réflexion pour bénéficier du potentiel inexploité que ces ressortissants représentent comme levier d’intégration régionale ; comme pont entre le Nord et le Sud, et le Sud-Sud, non seulement à travers les transferts d’argent mais aussi en terme des transferts de connaissances, des possibilités d’investissement, de mentoring et de développement des nouvelles opportunités d’affaires.

Plusieurs éléments de réponse peuvent être apportés au débat.
1. L’importance du territoire mais aussi du cadre général qui est « proposé ». Souvent les membres de la diaspora sont attachés à un territoire donné. Ce lien peut-être certes très fort, et dans certains cas déclencher une implication directe du ressortissant résidant à l’étranger, mais il n’est pas suffisant. Dans un contexte d’évolution et d’individualisation des parcours migratoires et avec l’émergence des membres des deuxièmes et troisièmes générations, l’attractivité du territoire, du pays, voire de la région méditerranéenne, devient aussi un élément clés. Le migrant s’investit là où il a des attaches mais aussi là où les conditions sont les plus avantageuses pour lui. Là aussi où sont engagement est reconnu, valorisé.

2. La nécessité de mettre en place une vision et une « offre » multidimensionnelle. Les pays ont compris que les membres de la diaspora ne sont pas seulement une source de remises migratoires. Ils veulent participer, s’impliquer mais dans un but. Les pays doivent se poser la question de quelle relation veulent–ils mettre en place avec leurs diasporas et pour quoi faire ? L’élaboration de stratégies nationales claires est essentielle. De plus, aux côtes des dispositifs encourageant les investissements dans le pays d’origine-qui doivent être adaptés au but recherché, les pays doivent chercher des voies complémentaires pour renforcer les liens culturels et politiques avec leurs diasporas. Et ils le font de plus en plus. Cela peut passer par la facilitation de l’apprentissage de la langue du pays d’origine, la mise en place des universités d’été ou des camps des vacances pour les jeunes, la diffusion de la culture nationale mais aussi par la facilitation de la double nationalité, la reconnaissance du droit de vote, la mise en place d’une représentation spécifique dans les parlements nationaux, la mise en place des conseils consultatifs des membres de la diaspora, etc.

3. Le rôle des pays d’accueil est clé. La valorisation du potentiel des diasporas doit avoir lieu en même temps dans le pays d’accueil. Cela permet non seulement une plus grande implication dans le pays d’accueil mais également le renforcement de la cohésion sociale et participe de la lutte contre le racisme et les discriminations. Pour favoriser l’implication active dans la région, le membre de la diaspora a besoin aussi d’une sécurisation de son parcours de migrant. Cela peut se traduire par une mobilité économique et des compétences accrue (brain circulation), un accès facilité à la double nationalité, la reconnaissance des droits politiques, des titres de séjours pluriannuels, la transférabilité et la portabilité de certains droits, etc.

La région méditerranéenne est en devenir. Les membres de la diaspora veulent participer à son essor. Tous les acteurs de la région, les pays d’origine, les pays d’accueil, l’Union européenne, l’Union pour la Méditerranée, les organisations de la diaspora, les associations des migrants, etc. sans oublier les acteurs internationaux (banque mondiale, CMI, etc.) et euro-méditerranéens (Réseau ANIMA, IPEMED, et tant d’autres) doivent s’engager dans cette réflexion et puiser dans des exemples d’expériences réussies, comme par exemple, celle des Philippines, pour chercher « la voie méditerranéenne » d’implication des diasporas dans le processus d’intégration régionale.

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