QU’EST-CE QU’ÊTRE MÉDITERRANÉEN ?

Humeur n° -
Mercredi 27 Janvier 2010 - Akram Belkaid, conseiller éditorial d’IPEMED
Alors que l’union pour la Méditerranée (upm) semble reprendre quelques mo - destes couleurs, il serait peut-être opportun de se pencher sur ce qui peut bien lier les deux rives. Il y a certes la géographie et la réalité qu’elle impose. Dans les deux sens, il y a des échanges commerciaux, des flux financiers constants, des mouvements incessants d’hommes et de femmes (malgré les obstacles créés par les visas et les politiques sécuritaires de l’Europe), cela sans compter des liens physiques tels les gazoducs qu’une métaphore pourrait assimiler à des artères vitales pour la sécurité énergétique de l’Europe du Sud.

Mais tout cela est connu et rabâché. Reste une question fondamentale : qu’est-ce qu’être Méditerranéen ? Car si l’on parle d’Union pour la Méditerranée ou tout simplement de processus euro-méditerranéen, c’est bien parce que l’on part du postulat selon lequel il existerait actuellement, au-delà de l’héritage commun, une proximité dans les identités méditerranéennes sur laquelle se construirait tout rapprochement économique, voire politique, entre les deux rives. Or, ce postulat n’a rien d’évident ou, du moins, il est sans cesse questionné par l’actualité mais aussi par l’évolution des sociétés.

La nécessité d’un Maghreb uni

Passons sur le fait que les polémiques récurrentes en Europe à propos de l’islam sont plus à même de séparer que de rapprocher d’un côté, le Nord, et de l’autre, le Sud et l’Est de la Méditerranée. Prenons plutôt quelques jeunes hommes ou jeunes femmes d’Alger, Casablanca ou Tunis. Malgré les vicissitudes politiques dans la région, ces derniers ressentent encore, sans toujours être capables de la formuler, la nécessité d’un Maghreb uni. N’ayant pas connu la période des luttes nationalistes ni même celle qui a suivi les indépendances, ils savent néanmoins que cette union est un grand dessein pour leurs pays.

À l’inverse, la Méditerranée, ne leur dit rien ou pas grand-chose. Faute de pouvoir se déplacer au Nord ; faute de réaliser, qu’effectivement, il y a bien un air de famille, une parenté, sur laquelle on peut bâtir des projets, le rapprochement entre les deux rives demeurera pour eux un processus lointain et abstrait, pensé dans les Etats-majors politiques et récupéré par des élites qui feront de la Méditerranée un prétexte à d’innombrables colloques.

Qu’est-ce qu’être Méditerranéen ? Au-delà du goût pour l’huile de l’olive, le blé, les nèfles, les agrumes, les grenades et le vin, voilà une question à laquelle il est nécessaire de répondre si l’on veut que l’upm soit prise au sérieux par des populations pour qui l’identité méditerranéenne est tout sauf évidente.

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