Regards sur la coopération euro-méditerranéenne

Humeur n° -
Vendredi 09 Septembre 2011 - Keith Nadim Carr, stagiaire à IPEMED.
 Si la presse de la région n’a pas relayé, faute de contenu, de nouveaux projets de coopération économique méditerranéens, plusieurs tribunes ont été publiées en revanche, appelant à la mise en place d’une nouvelle stratégie européenne dans la région.

Où en est la coopération euro-méditerranéenne ?

Dans une tribune libre publiée par le quotidien Libération (Maroc), Fathallah Oualalou, constate que le partenariat Euro-méditerranéen jusqu’à maintenant été décevant. Pour le Maire de Rabat, et ancien ministre de l’Economie et des Finances du Maroc, le Nord porte une grande part de responsabilité : la politique agricole commun a rendu difficile les exportations agricoles du Sud vers le Nord, et les fonds européens ont favorisé l’Europe centrale et orientale, en « négligeant la Méditerranée ». Mais le Sud est également responsable. Plusieurs raisons sont avancées : la mauvaise gouvernance « des systèmes politiques d’oppression, de parti unique.. » ; la nature rentière des économies favorisant les hydrocarbures et des politiques économiques normalisant la corruption ; et le manque de coopération Sud-Sud. D’autres facteurs entravent également la coopération Euro-méditerranéenne : les tensions politiques au proche orient (une responsabilité qui est « arabe, européenne, mais surtout israélienne et américaine »), et la crise économique et financière de 2008-2009.

El Moudjahid (Algérie) se fait l’écho des propos de Eduard Soler, chercheur au CIDOB, tenus à l’occasion d’une conférence organisée par l’Institut National d’Etude de Stratégie Globale d’Alger (INESG) et consacrée au partenariat euro-méditerranéen. Pour Eduard Soler, l’UPM, qui repose dès le début sur des alliances faibles, est tombée en panne notamment après l’agression israélienne contre Gaza en 2008-2009. Dans l’avenir, la politique européenne de voisinage mise en place en 2010 sur les capitaux, le marché et la mobilité sera bouleversée par les soulèvements arabes qui forceront l’Europe à renouveler sa politique.

Pour Lucio Levi, Président du MFE italien qui signe une tribune dans « Presse Fédéraliste » l’UPM a échoué, car l’Europe s’est refermée sur elle-même, la zone de libre échange projetée pour 2010 n’a pas été réalisée, et les gouvernements des pays Européens n’ont pas tenu leur « engagement de suspendre la coopération économique avec les pays de la rive sud de la méditerranée qui ne respectent pas les droits de l’homme ». Pourtant, « l’UE, qui a continué à maintenir des rapports bilatéraux avec l’Afrique du nord, aurait pu encourager l’intégration régionale, comme l’ont fait les Etats-Unis avec l’Europe quand ils ont lancé le Plan Marshall, en conditionnant l’affectation des aides à la formulation d’un plan de reconstruction concerté en commun. ».

L’auteur souligne que la transition des pays arabes vers la démocratie va dépendre en grande partie de l’Europe (celle-ci ayant une responsabilité historique et géographique), qui devrait promouvoir un plan d’aide au développement pour la région en favorisant la construction d’infrastructures : « il deviendrait possible de soustraire les revenus de la rente pétrolière au circuit de la finance spéculative pour les orienter vers des investissements dans la région ». L’Europe est en effet en mesure de trouver une solution au conflit israélo-palestinien, ce qu’il n’est « désormais plus possible d’attendre des Etats-Unis ».

L’Opinion (Maroc) suit l’évolution des enjeux géopolitiques dans la région méditerranéenne. Pour l’Europe, il s’agit de maîtriser le risque de migrations qui, comme montre l’histoire des migrants tunisiens passant librement d’Italie en France, risque de tester la solidarité européenne. Pour ce qui concerne les soulèvements dans les pays arabes, les nouveaux acteurs sont déjà sollicités par des « puissances » qui recherchent des alliances militaires et des contrats énergétiques. Les pays de la rive sud-méditerranéenne réussiront-ils à trouver en Europe des nouvelles alliances solides ? Sinon, face à la présence des Etats Unis dans le Moyen Orient et de la Chine en Afrique, « les Etats membres de l’Union européenne en seront les grands perdants ».

Un article du quotidien français Ouest France constate que face aux soulèvements arabes, l’Union Européenne devrait promouvoir la coopération Euro-méditerranéenne. L’article cite Jean-Louis Guigou, Délégué général d’IPEMED, pour qui la création d’un ensemble régional méditerranéen, à l’image de l’ALENA ou ASEAN, est essentielle, de même que la mise en place de politiques communes sur des enjeux clés tels que l’énergie et la sécurité alimentaire. Sinon le risque est grand que les pays Méditerranéens ne se tournent vers les Etats Unis, la Chine ou vers « un fanatisme ethno-religieux ».

Ainsi, « Pour Jean-Louis Guigou, la solution c’est, à court terme, se mettre à l’écoute, répondre aux demandes concernant les budgets, la monnaie, les emprunts. C’est, à moyen terme, proposer des plans de modernisation et d’aménagement du territoire ; et aussi de grandes politiques comme une politique euro-méditerranéenne de l’énergie, une politique de sécurité alimentaire. C’est, à long terme, relancer une union pour la Méditerranée » Fenêtre sur l’Europe publie une longue interview de Gianni Pittella, vice Président du Parlement européen, dans laquelle il expose sa vision de la politique européenne en Méditerranée. Gianni Pittella rappelle l’importance de la politique Européenne pour les pays de l’Est suite à l’écroulement de l’Union Soviétique. Pour lui, s’ « il est évident que ce schéma ne se répétera pas pour les pays du sud de la Méditerranée », il est indispensable de mettre en place « une véritable coopération renforcée avec les 27 pays de l’UE, une coopération fondée sur des règles bien arrêtées, sur des échéances précises, sur des programmes et des actions impliquant des engagements contraignants pour les deux parties. Cela ne sera pas simple, du fait notamment des « inefficacités du processus de Barcelone » et du « projet d’Union pour la Méditerranée qui a du mal à décoller ».

Pour Gianni Pittella, la politique extérieure de l’Europe n’aide pas la coopération, et il souhaite que le Parlement puisse influencer la commission et le conseil pour que l’action de l’UE à l’étranger soit plus « incisive et opportune ». L’Europe devrait favoriser dans les pays du Sud les « secteurs modernes à forte valeur ajouté », et jouer la carte des « traditions culturelles de la région », pour créer une marque commerciale attirante. Les partenariats entre universités, les jumelages entre les villes, les échanges de bonnes pratiques, associés à la coopération régionale, peuvent également jouer un rôle fondamental.

Sources

 http://www.libe.ma/Le-Printemps-arabe-et-la-necessaire-renovation-du-partenariat-euro-mediteraneen_a20160.html
 http://www.elmoudjahid.com/fr/flash-actu/5305
 http://www.pressefederaliste.eu/printemps-de-la-democratie-dans-le-monde-arabe
 http://www.lopinion.ma/def.asp?codelangue=23&id_info=21864&date_ar=2011-8-11%2015:36:00
 http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_—Rallumer-les-etoiles-de-l-esperance-_3632-1875061_actu.Htm?xtor=RSS-4&utm_source=RSS_MVI_ouest-france&utm_medium=RSS&utm_campaign=RSS
 http://www.fenetreeurope.com/php/page.php?section=chroniques&id=872

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